*Cet article est largement inspiré de la conférence de Pablo Servigne, Inégalités et solidarités dans la nature, qu’il a donnée en 2018 dans le cadre de l’université d’été Trans-Mutation, sur la thématique des Inégalités et du progrès.

L’entraide, la 2e loi de la jungle !

Et si la jungle n’était pas que violence et compétition. Et si en réalité ce n’était pas nécessairement les plus forts qui survivent, mais bien ceux qui coopèrent le plus ? C’est le discours qui est tenu par Pablo Servigne, ingénieur agronome et docteur en sciences qui a consacré les 15 dernières années à l’étude de l’entraide. Il s’est intéressé au départ à l’entraide dans la nature depuis son angle de sa spécialité en biologie, pour ensuite élargir ses réflexions à l’humain. Il s’est aussi intéressé aux autres disciplines qui ont étudié l’entraide de manière cloisonnée, telles que l’anthropologie, les sciences politiques, l’économie, la sociologie, etc., ce qui lui a permis de tirer plusieurs conclusions très intéressantes que je vais vous partager dans cet article. Si vous souhaitez les entendre de sa voix, il a fait cette courte conférence TED Talk: La 2e loi de la jungle : l’entraide dans laquelle il résume bien l’aboutissement de ses recherches.

Dans son livre intitulé L’entraide. L’autre loi de la jungle, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle nous parlent de cette conception biaisée qui montre la nature comme une arène impitoyable soumise à la loi du plus fort, à cette fameuse loi de la jungle. Cette mythologie qui a fait émerger une société devenue toxique pour notre génération et pour notre planète est en train de s’effriter et un nombre croissant d’auteurs parlent maintenant d’entraide, de coopération, de solidarité, de bonté, voire même d’altruisme lorsqu’ils décrivent ce qu’ils observent dans cette fameuse jungle pas si hostile que ça finalement…

Dans son essai L’entraide. Un facteur de l’évolution, Pierre Kropotkine s’appuie sur ses observations et ses lectures scientifiques pour affirmer que l’entraide assure aux animaux une meilleure efficacité dans la recherche de nourriture et une plus grande longévité. Il affirme aussi que d’attribuer le progrès à la lutte du chacun contre tous est une grossière erreur et que la coopération a fait bien plus pour le développement que l’intelligence que les combats qui laissent les espèces affaiblies et ne leur laisse que peu de chances de survie, encore moins d’évolution possible.

Ces auteurs affirment avoir cherché cette fameuse loi du plus fort dans la jungle et ne pas l’avoir trouvée… Au contraire, ils ont trouvé des milliers d’exemples d’entraide et vont même jusqu’à dire que c’est cette entraide qui est le plus garante de survie et d’évolution des espèces.

Pour Pablo Servigne, nous avons l’habitude de concevoir les animaux ou les plantes au travers de catégories bien schématiques qui décrivent comment chacun se comporte avec des relations de prédation, de compétition, des chaînes alimentaires, etc. Et que ces perceptions, ces histoires que l’on se raconte sur la nature, viennent teinter nos perceptions. Il explique par exemple que Darwin avait déjà remarqué que les espèces qui s’entraident le plus sont celles qui survivent le plus, mais qu’à l’époque il avait été interprété différemment. C’était dans une Angleterre victorienne alors que le capitalisme au 19e siècle démarrait et qu’il avait besoin des bases idéologiques ancrées dans la compétition pour se construire. On a ainsi fait dire des choses à Darwin, mais on redécouvre aujourd’hui ses écrits grâce à des travaux magnifiques. Il en parle brièvement dans cette courte vidéo intitulée La collaboration, la loi oubliée de Darwin.

Ce ne sont pas forcément les plus forts qui survivent, ce sont ceux qui coopèrent le plus !

Pour illustrer ce point, l’exemple des manchots est très parlant. Les manchots empereurs vivent en Arctique et doivent passer l’hiver en affrontant des températures extrêmement basses; lorsque le blizzard s’en mêle avec des vents à 250km/h la température ressentie est de moins 200°C ! Et bien que les manchots aient une isolation thermique incroyable (un plumage coupe-vent chaud et imperméable, des pieds qui ne gèlent pas), sans leur organisation sociale millimétrée ils seraient tous déjà morts ! Par temps très froid, ils se rassemblent tous et forment une “tortue” de plusieurs centaines d’individus et ils changent constamment de place pour éviter que les mêmes restent exposés au froid. Cette stratégie de thermorégulation sociale permet de garder les manchots au chaud (il a été mesuré une température à l’intérieur d’une formation de manchots de plus 34°C alors qu’il faisait moins 35°C dehors) et de leur assurer un maximum de chances de survie dans un milieu très hostile.

Manchots en formation "tortue"

Source : https://antarctiqueanimaux.blogspot.com/

Des exemples percutants d’entraide dans la nature!

Les arbres ont inventé les politiques sociales bien avant nous !

Dans son livre La vie secrète des arbres, Peter Wohlleben présente les arbres comme des êtres sociaux qui peuvent compter, apprendre et mémoriser, se comporter en infirmier pour les voisins malades, envoyer des signaux pour avertir d’un danger, etc.

L’un des aspects les plus intéressants en lien avec les capacités de communication et d’entraide dans la forêt est la symbiose qui s’est produite entre les racines des arbres et les champignons, des mycorhizes, qui viennent prolonger les racines pour qu’elles puissent aller plus profondément dans le sol pour capturer l’eau et prendre des nutriments. En échange, les arbres donnent aux champignons des sucres qu’ils obtiennent grâce au processus de photosynthèse.

Et ce n’est pas tout ! Cette association entre le champignon et l’arbre est très commune et crée un grand réseau qui interconnecte toutes les racines des plantes et des arbres si bien que les arbres entre eux peuvent s’associer, c’est-à-dire se transmettre des nutriments via les mycorhizes. Ainsi, les arbres en meilleure santé, qui captent plus de sucre, vont pouvoir transférer des sucres aux arbres plus jeunes qui sont en pleine croissance, aux arbres malades ou aux arbres qui sont plus à l’ombre et en ont besoin. Et ceci est aussi vrai entre espèces différentes, par exemple, le chêne pourrait transférer de ses sucres à un bouleau.

On peut ainsi dire qu’il existe un système de redistribution des ressources au sein même de la forêt qui permet, à l’image de nos politiques sociales, une redistribution plus équitable des richesses. On se rend ainsi compte que les arbres ont inventé, et ce depuis des millions d’années, les allocations familiales, la sécurité du revenu, l’assurance maladie, l’assurance emploi, etc. !

Les fourmis ont inventé l’agriculture des millions d’années avant nous !

Un autre exemple d’entraide dans la nature qui est vraiment particulier c’est la coévolution des fourmis et des pucerons. Plusieurs espèces de fourmis entretiennent une relation bien particulière avec les pucerons puisqu’elles en font l’élevage ! Ces fourmis dites agricultrices ont ainsi des troupeaux de pucerons qu’elles protègent en cas d’intempéries dans des abris. Les fourmis peuvent aussi “traire” les pucerons en les chatouillant avec leurs antennes ce qui leur fait produire des petites gouttes de miellat que les fourmis peuvent manger. En cas de famine, il est aussi possible pour les fourmis de manger quelques pucerons pour avoir leur dose de protéines.

On peut ainsi dire que les fourmis ont inventé l’agriculture des millions d’années avant nous !

La symbiodiversité : toutes les manières que la biodiversité (les animaux et la nature) ont d’être ensemble et de s’associer

Les êtres vivants ont développé plein de manières différentes de s’associer entre eux. Cette belle mosaïque de toutes les couleurs s’appelle la symbiodiversité. En voici quelques exemples :

1. L’altruisme

Les biologistes parlent d’altruisme (mais sans la connotation morale) dans la nature lorsqu’il y a un individu qui se sacrifie pour ses congénères au sein d’une même famille. On peut donner l’exemple des abeilles qui lorsqu’elles piquent perdent leur dard et meurent pour le bien de la colonie.

2. La coopération

Lorsqu’il y a une forme d’association au sein d’une même espèce, mais avec des individus non apparentés, les biologistes parlent de coopération. On peut prendre l’exemple des pigeons qui s’associent pour mieux échapper aux prédateurs ou aux lionnes qui coopèrent entres familles différentes pour chasser.

3. L’association entre espèces ou mutualisme

On considère que deux espèces s’associent lorsqu’elles développent des relations d’entraide réciproque. La pollinisation est un bel exemple d’association où les 2 espèces en retirent un bénéfice, les abeilles qui ont accès à un liquide sucré en échange de la dispersion du pollen. Ce type d’association peut aussi se produire entre plusieurs espèces, par exemple au niveau de la grande migration durant lesquelles le gnou qui a un très bon odorat, le zèbre qui a une très bonne vue et la gazelle qui a une très bonne ouïe décident de s’associer pour optimiser leurs chances de survie lors de ces grands déplacements.

4. La symbiose

On parle de symbiose lorsque la relation de proximité est telle que l’un des organismes ne peut pas vivre sans l’autre. C’est le cas par exemple au niveau de notre microbiote qui est formé par des bactéries qui se logent partout sur la peau et au niveau des muqueuses de notre organisme (cavité buccale et nasale, système respiratoire, digestif et reproducteur, etc.). Notre corps échange ainsi des nutriments et du matériel génétique avec les bactéries et les bactéries en échange contribuent à plusieurs fonctions de notre corps, telles que la réponse immunitaire, la digestion, etc.

5. La fusion

On parle de fusion lorsque plusieurs organismes fusionnent pour en former un autre. Le lichen, une petite plante avec une feuille assez dure, en est un bon exemple puisqu’il consiste en la fusion d’une algue et d’un champignon. Dans le lichen, les algues vont faire de la photosynthèse et donner des sucres aux champignons qui eux sont incapables de le faire et les champignons vont protéger les algues qui pourront sortir du milieu marin et coloniser la terre, devenir terrestres.

La compétition est la pire façon de s’associer

Suite aux recherches que Pablo Servigne et Gauthier Chapelle ont faites, en se basant autant sur les informations qui se retrouvent dans les sciences naturelles que dans les sciences sociales, ils en sont venus à la conclusion que la compétition est la pire façon de s’associer. C’est une relation perdant-perdant qui est très coûteuse et ça, les animaux l’ont très bien compris et c’est un moyen qu’ils n’utilisent qu’en dernier recours.

Tableau comparatif : Les différentes façons qu'ont les êtres vivants de s'associer

La coopération et la symbiose sont 2 façons de s’associer qui sont mutuellement bénéfiques pour l’ensemble des parties impliquées, c’est -à -dire que tout le monde en retire un bénéfice.

Le commensalisme est un terme qui désigne les associations qui vont être bénéfiques pour l’un et neutres pour l’autre. Donc l’un en retire quelque chose et l’autre s’en fou. Par exemple, une orchidée qui pousse au-dessus d’un arbre dans la jungle, elle est super contente parce qu’elle a accès à beaucoup de lumière, alors que de son côté l’arbre s’en fou, cela ne l’affecte ni négativement, ni positivement.

L’amensalisme correspond aux types d’associations pour lesquelles l’un en retire des effets négatifs alors que l’autre est indifférent. C’est le cas par exemple de certains champignons qui produisent des antibiotiques qui tuent les bactéries. Donc le champignon vit sa vie normalement (attitude neutre) alors que les bactéries autour meurent (effet négatif).

La coexistence est une forme d’association qui laisse les deux partis indifférents. Ils coexistent dans un même espace sans que la présence de l’un ait un impact ni positif ni négatif sur l’autre.

Le parasitisme et la prédation sont des relations qui à l’évidence vont être bénéfiques pour l’un et négatives pour l’autre.

Et finalement la compétition qui est une forme d’association perdant-perdant… La compétition existe dans le monde animal, mais puisque c’est risqué (lorsqu’on entre en compétition, on risque de se blesser, de se tuer, on s’use, c’est stressant, etc.) les animaux l’utilisent en dernier recours. Par exemple, vous avez peut-être déjà vu deux animaux qui entrent en compétition, par exemple pour avoir un territoire. Ils vont gonfler le torse, montrer les griffes, grogner. Ils vont avoir des comportements ritualisés pour montrer qu’ils sont les plus forts et parfois la situation se règle sans même avoir recours à la violence et ça dure 5 min.

Notre société empêche structurellement l’entraide d’émerger

La culture de la compétition est omniprésente dans notre société, dans les sports, au travail, à l’école et même dans nos structures organisationnelles. Pablo Servigne en parle ainsi en prenant l’exemple de l’organisation hiérarchique pyramidale qui casse structurellement l’entraide :

L’organisation hiérarchie pyramidale,  je vous arrête tout de suite, ça n’existe pas dans la nature, on est les seuls à faire ça ! C’est très efficace quand l’environnement est stable;  regardez les militaires ils ont une mission, ils la font et voilà, c’est efficace. Mais quand l’environnement change, au cours des millions d’années, c’est le moins efficace. Aucun être vivant, il y a pas d’arbre en chef dans la forêt qui dit: toi tu fais ça, toi tu pousses, toi tu ne pousses pas… Non ça n’existe pas! Donc la hiérarchie pyramidale c’est hyper vulnérable, ce n’est pas du tout résilient et ça dégage quand les conditions changent et les conditions sont en train de changer au niveau de la biosphère des sociétés… ça s’effondre. Le modèle hiérarchie pyramidale il s’effondre. On voit l’émergence de sociétés horizontales, le pouvoir latéralisé comme l’appelle Jeremy Rifkin, etc., mais surtout ce que je voulais dire c’est qu’avec là hiérarchie pyramidale, vous aurez beau faire tout le team building que vous voulez, tout ça…[Dans ce type de structure] on veut jouer des coudes pour monter dans la hiérarchie, ça sape le moral, ça met de la défiance et ça casse l’entraide, ça casse structurellement l’entraide. » – Pablo Servigne

“[Ensuite,] il y a plusieurs détenteurs de prix Nobel d’économie qui l’ont montré: les inégalités sont toxiques pour les sociétés. Et puis on remarque que lorsque les niveaux d’inégalités économiques augmentent beaucoup, les riches les classes sociales [La classe moyenne, les plus riches, les plus pauvres] se renferment sur elles-mêmes et développent des comportements antisociaux extrêmement forts par rapport aux classes sociales plus faibles.Il y a donc un cloisonnement des classes et alors un renfermement et ça diffuse de la méfiance, un sentiment d’insécurité, d’injustice etc., qui est extrêmement toxique.” – Pablo Servigne

D’où provient l’entraide chez l’humain ?

La clef de l’entraide chez l’humain c’est la réciprocité. C’est le fait que lorsque l’on reçoit quelque chose, nous avons cette incroyable envie de redonner et que cet effet se répète à l’infini. C’est ce que Marcel Mauss appelle le don et le contre don, ce jeu de miroir à l’infini qui permet de rentrer dans un cercle, dans une relation de réciprocité qui est au coeur de l’entraide chez l’humain. 

Source image 1 / Source image 2

La réciprocité nous vient de notre capacité d’éprouver de l’empathie, c’est-à-dire de se mettre à la place de l’autre, de comprendre ses émotions et ce qui se passe dans sa tête. Comparativement aux autres espèces, notre capacité d’empathie atteint des niveaux exceptionnellement élevés. Elle arrive chez les bébés très tôt, vers l’âge de 7 ou 9 mois, qui démontrent des comportements prosociaux avant même d’avoir acquis le langage ou la raison. (Réf.)

De plus, des études en neuroscience ont démontré que des comportements de coopération et d’entraide stimulent des zones du plaisir et de la récompense dans le cerveau, alors que des comportements égoïstes dont activer des zones de dégoût qui sont très désagréables et qui donnent envie de punir. Il est à noter que ces résultats ont été obtenus lorsque l’entraide était faite entre humains, mais que lorsque l’ont fait intervenir une machine, l’entraide reçue ne déclenche plus les zones du plaisir dans le cerveau; ce qui montre que l’empathie, la réciprocité et l’entraide sont quelque chose de profondément humain. (Ref.)

Notre empathie vient du fait que nous naissons complètement immatures et que nous complétons notre développement en dehors du ventre de la mère. Nous sommes ainsi complètement vulnérables et incapables de nous défendre ou de survivre.  Sans le clan (les parents, les grands-parents, les oncles, les tantes, etc.) nous serions incapables de survivre. C’est cette extrême vulnérabilité qui fait de nous des êtres ultras sociaux. Et c’est ultra puissant, nous somme l’espèce la plus coopérative du monde du vivant, de la biosphère. 

Chez l’humain, il y a une diversité de manières de  s’entraider, de s’associer, qui implique des sentiments aussi divers que l’amitié, l’amour, la confiance, le sentiment d’équité, le sentiment de sécurité, la réputation, etc. Et l’humain, il a cette capacité exceptionnelle d’étendre la réciprocité au-delà des petits groupes (grâce à des contrats, des normes sociales, des institutions, etc.) à des groupes extrêmement grands de plusieurs milliers d’individus, de sorte que nous sommes devenus une espèce ultra sociale. Nous pouvons coopérer entre millions d’individus, même entre personnes qui ne se connaissent pas, entre personnes anonymes, etc., et c’est unique dans le monde du vivant !

Les bases pour faire émerger l’entraide 

Si vous placez des individus qui ne se connaissent pas dans une salle, naturellement ils vont avoir une petite carapace, il va y avoir de la méfiance d’entrée de jeu quasiment tout le temps. Le défi pour générer de l’entraide c’est donc de créer une “membrane de sécurité” pour permettre aux personnes de relâcher leur “membrane de protection individuelle”, de relâcher leur méfiance et de s’ouvrir au groupe. 

Être en mode protection et méfiance, c’est extrêmement coûteux pour l’individu et c’est inefficace pour le groupe. Lorsqu’on relâche nos défenses, les gens s’ouvrent à l’authenticité, la personne s’ouvre au groupe et elle commence à agir pour le bien du groupe. On entre alors dans des relations d’entraide et de coopération. On obtient l’équation 1+1=3 et le groupe devient plus efficace, plus productif.  

Il y a des clefs pour être en mesure de créer une membrane de sécurité efficace : 

1. Créer l’identité du groupe et un sentiment d’appartenance

Il est important d’abord de créer l’identité du groupe (définir qui fait partie du groupe, quelles sont les règles, où sont les gardiens des règles pour maintenir cette membrane de sécurité, etc.) parce que si la personne se sent en sécurité dans le groupe elle va s’ouvrir, si elle ne se sent pas en sécurité, elle ne va pas s’ouvrir. 

3. Trois ingrédients fondamentaux dans un groupe pour générer spontanément l’entraide

Si vous avez ces trois ingrédients là, vous êtes sur, c’est automatique, vous allez avoir des niveaux d’entraide et de coopération extraordinaires

  • Le sentiment de sécurité
    Correspond au fait que je me sens bien dans le groupe, je sais qui fait partie du groupe, j’ai envie d’être là, je suis d’accord avec la raison d’être, je suis d’accord avec les règles, etc.
  • Le sentiment de confiance
    Les quatre ingrédients de la confiance sont la sincérité (votre capacité à être naturel et authentique avec les autres), la crédibilité (votre degré d’expertise et de compétence dans ce que vous faites), la fiabilité (cohérence entre ce que je dis et ce que je fais, capacité à respecter mes engagements, sens du devoir) et l’ouverture à l’autre (est-ce que j’agis dans mon propre intérêt ? Ou est-ce que j’ai vraiment à coeur l’intérêt de l’autre, du groupe ?).
  • Le sentiment d’égalité ou d’équité
    Pour générer un sentiment d’égalité (pareille pour tout le monde) ou d’Équité (je veux que ce soit juste) il est possible d’utiliser des méthodes comme le hasard (tout le monde a les mêmes chances), le mérite (je veux bien que tu aies plus parce que tu as travaillé plus) ou l’efficacité (je veux bien que tu aies plus parce que tu feras plus avec).

*Pour aller plus loin dans cette réflexion sur comment générer l’entraide dans un groupe, je vous invite à vous intéresser à l’art de la facilitation ou à comment un facilitateur expérimenté réussit à mettre les conditions propices dans un groupe pour qu’ils prennent plaisir à collaborer grâce à l’intelligence collective. 

Quels sont les mécanismes de coopération dans un groupe plus large ?

Nous avons parlé de la capacité de réciprocité qu’ont les humains et que c’est l’une des causes principales de l’entraide, le fait que lorsque  je reçois, j’ai envie de redonner et ce que cycle se répète à l’infini. Marcel Mauss appelle cela la théorie du don/contre-don, qui correspond à l’obligation de rendre qui crée le lien social et est à la base de la société. 

Le problème de la réciprocité, c’est que ça fonctionne bien entre 2 personnes, mais que naturellement l’entraide s’étiole et se dilue quand le groupe augmente si on ne fait rien. 

Parmi les mécanismes que l’on peut mettre en place pour maintenir la réciprocité dans un grand groupe il y a : 

  • La punition : Donner une conséquence négative à ceux qui ne participent pas à l’entraide dans un groupe fait monter la participation en flèche et il est intéressant de savoir que la menace d’une punition est suffisante pour faire monter des niveaux exceptionnels d’entraide et de comportements prosociaux dans un groupe. 
  • La récompense : La punition des tricheurs et la récompense des altruistes sont les 2 piliers de toutes les sociétés, de tous les systèmes moraux, éthiques et religieux du monde. C’est ce que les scientifiques appellent la réciprocité renforcée. 
  • La réputation : La réputation est aussi un levier hyper puissant pour favoriser des comportements prosociaux et est l’un des ciments de notre société. Lorsque leur réputation est en jeu, les personnes coopèrent plus et nous avons plus tendance à coopérer avec une personne qui a une bonne réputation parce que l’on sait qu’elle va nous le redonner, contrairement à une personne de mauvaise réputation qui pourrait abuser de notre générosité. Il est aussi intéressant de savoir que le simple fait de se sentir observé (même si on ne l’est pas) est suffisant pour que les personnes coopèrent plus. 

On peut aussi dénoter deux types de coopération, la coopération chaude qui existe entre petits groupes de personnes (des tribus de 30 à 150 individus) qui se connaissent et qui s’entraident entre eux et la coopération froide qui existe au niveau de société de millions d’individus grâce à des institutions complexes (ex. Sécurité du revenu) qui permet la collaboration entre des personnes non apparentées et des inconnus. Ce type d’organisation complexe est unique dans le monde du vivant, aucune autre espèce n’a atteint des niveaux si élevés d’entraide à si grande échelle.  

L’impact du milieu sur l’entraide

Un milieu hostile fait émerger l’entraide, un milieu d’abondance et de richesses fait émerger l’égoïsme

Dans sa conférence Inégalités et solidarités dans la nature, Pablo Servigne nous raconte les résultats surprenants d’une étude effectuée dans les rocheuses du Montana avec une équipe américaine sur la cohabitation des pins et des sapins dans cette région. 

Au bas des montagnes, là où il y a beaucoup de nutriments et qu’il fait chaud, lorsque des pins meurent les sapins s’en portent mieux, c’est-à-dire qu’ils sont apparemment en compétition pour les ressources du milieu. Jusque là, c’est très normal, mais ils ont aussi observé que s’ils montent tout au haut de la montagne, là où les conditions sont difficiles (température froide et peu de nutriments disponibles) la relation entre les pins et les sapins est tout autre : si le pin meurt, le sapin s’en porte moins bien. Il y a donc une entraide entre les espèces. 

Le même type de conclusion a été obtenu avec des levures. Les chercheurs ont mélangé deux souches de levures qui produisent deux types d’acides aminés différents dans un bain très riche en nutriments. Très vite les deux souches sont entrées en compétition. Les chercheurs se sont ensuite mis à appauvrir le milieu et les deux souches se sont mises à coopérer jusqu’à ce que le milieu soit tellement pauvre, que les deux souches ne pouvaient plus vivre l’une sans l’autre (l’une produisait les acides aminés de l’autre). 

Et c’est un principe que l’on retrouve chez tout le vivant : quand il y a un milieu plus hostile, l’entraide émerge ! Par exemple, chez l’humain il y a quelque chose de semblable que les spécialistes en psychologie et en sociologie qui ont étudié les catastrophes (tsunami, attaque terroriste, etc.) ont pu observer. Par exemple, lors de l’écrasement des avions au World Trade Center en 2001, les discours et les témoignages des rescapés convergent : il n’y a jamais de panique ou très rarement et dans des conditions spéciales, et plus on va au centre de la catastrophe ou du phénomène, plus il y a de calme, d’auto-organisation, d’entraide et des moments d’altruisme extrêmes (jusqu’à risquer sa vie pour sauver celle de l’autre). 

On peut aussi observer à l’inverse qu’un milieu d’abondance et de richesses permet à des comportements égoïstes de voir le jour. Autrement dit, l’égoïsme est un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre, c’est parce que j’ai beaucoup que je peux me permettre de dire non à mon voisin.

Selon Pablo Servigne qui est aussi collapsologue, le problème de notre société ce n’est pas que nous sommes une société d’abondance, c’est que ça permet à une culture de l’égoïsme et de la compétition de voir le jour. Selon lui, le plus grand risque pour les temps difficiles à venir (avec les changements climatiques, pénuries, etc.) c’est de rentrer brutalement dans une période difficile avec une culture de l’égoïsme, ce qui crée à court terme des comportements d’égoïstes toxiques, dangereux et violents. 

Ce que la nature nous montre c’est qu’à long terme ce sont les groupes les plus coopératifs qui survivent. Donc il n’en tient qu’à nous de changer notre façon de voir les choses et de redonner à l’entraide la place qui lui revient, dans nos vies, dans la nature et dans notre conception du monde en général. 

*Pour aller plus loin dans votre réflexion, je vous invite à écouter la conférence L’entraide en temps de crise, une nécessité de Pablo Servigne.

Des moyens concrets pour générer de l’entraide

En plus de toutes les petites actions que tu peux décider de faire dans ton entourage rapproché (à ton travail, à l’école, dans ta famille, auprès de tes amis, dans ton couple, auprès de tes voisins, etc.), voici quelques idées pour te permettre d’élargir tes actions d’entraide à plus grande échelle !

Inscris-toi à une accorderie !

L’Accorderie repose sur un principe simple et original : proposer aux habitants d’une même localité de se regrouper pour échanger entre eux des services, sur la base de leurs savoir-faire, et ce sans aucune contrepartie financière.

Chaque Accordeur(e) met ainsi à la disposition des autres ses compétences et savoir-faire sous la forme d’offres de services. Des conseils pour cuisiner, de l’aide pour apprendre une langue ou la musique, de la couture, du dépannage informatique, du gardiennage, de la restauration de meubles, des cours et initiations de toutes sortes, etc. Les possibilités sont aussi nombreuses que vous avez de talents, d’habiletés et de connaissances!

Chaque offre apparaît dans le bottin des services des Accordeur(e)s, accessible dans l’Espace membre du site web ou imprimé pour les membres qui n’ont pas accès à internet. Les Accordeur(e)s ont accès aux coordonnées des personnes qui offrent les services. Ils/elles peuvent donc entrer en contact directement avec les autres membres pour s’entendre sur le service désiré et le moment de l’échange. Chacun(e) s’engage aussi à respecter les principes de l’échange de services.

*Vidéo explicative : L’Accorderie en 4:44 !
*S’il n’y a pas d’accorderie dans votre région, vous pouvez en créer une : Démarrer une accorderie

Offre de ton temps pour soutenir une cause qui t’anime

Le bénévolat est une action signifiante résultant du don de son temps, de son savoir et de ses habiletés, sans attente de rémunération. On retrouve toujours au cœur du bénévolat les notions de gratuité, de liberté et d’engagement social. La notion d’engagement distingue l’action bénévole des gestes quotidiens d’entraide. En effet, le bénévole s’engage selon ses goûts, ses aptitudes et sa disponibilité afin de combler des besoins du milieu. Le bénévolat, c’est avant tout une histoire d’amour pour soi et pour l’autre. Une histoire où on se fait du bien en faisant le bien.

Pour trouver le type de bénévolat qui vous convient, contactez le centre d’action bénévole de votre région : Liste des centres d’action bénévole du Québec

Participe au Programme d’engagement citoyen

Le programme Engagement citoyen favorise l’implication sociale des jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans déjà engagés ou souhaitant s’engager dans un projet citoyen. LOJIQ offre un accompagnement et un soutien financier pour la réalisation de projets impliquant une mobilité au Québec, au Canada ou à l’international. Ce programme se divise en 2 volets :

  • Action citoyenne : Le volet Action citoyenne vise à encourager la participation citoyenne des jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans. Avec le soutien de LOJIQ, tu pourras t’engager pour une cause ou auprès d’un organisme et améliorer ta compréhension des enjeux sociétaux.
  • Québec volontaire : Québec Volontaire s’adresse aux jeunes adultes âgés de 18 à 35 ans qui souhaitent approfondir leurs compétences citoyennes à travers un projet d’intérêt collectif. LOJIQ offre un accompagnement et un soutien financier pour la réalisation de projets de volontariat impliquant une mobilité au Québec, au Canada ou à l’international.

Fais un don en argent à une cause de ton choix

Le site de CanaDon (canadahelps.org) vous permet de faire un don à l’un des quelque 86 000 organismes de bienfaisance canadiens de votre choix. Vous pouvez faire des dons ponctuels, des dons mensuels, des dons de titres; ou encore en lançant une collecte de fonds, etc. Vous pouvez aussi faire un don à une cause; en sélectionnant un fond, votre don produira un impact large et durable en soutenant un groupe d’organismes de bienfaisance enregistrés qui œuvrent en vue d’une même cause. Leur site vous permet aussi de savoir rapidement quels sont les besoins les plus pressants en ce moment et les tendances des autres donateurs : Page d’accueil CanaDon.

Créer un fond philanthropique

Que vous soyez un particulier, une famille ou que vous représentiez une organisation ou une société, la Fondation Québec Philanthrope peut vous aider à atteindre vos objectifs philanthropiques tout en tenant compte de vos valeurs, de votre situation financière actuelle et future, de vos héritiers et des impacts fiscaux associés à vos dons actuels ou planifiés dans le temps.

En confiant vos dons à la Fondation, vous avez la possibilité de bâtir un fonds philanthropique sur mesure, basé sur les causes qui vous tiennent à cœur. Vous pouvez donc choisir les secteurs et les organismes de bienfaisance de votre choix, ou encore confier à la Fondation le soin de soutenir les secteurs jugés prioritaires dans notre communauté, tout en respectant les politiques établies par la Fondation, soit les placements, le taux de distribution et des frais minimes d’administration.

Pour plus d’information : Créer un Fonds – Fondation Québec Philanthrope

M-A Tennina

Auteure M-A Tennina

Fondatrice des Catalyseurs de Changement, coach en relation d'aide, blogueuse et formatrice. Mon parcours de vie m'a toujours amenée à chercher différentes façons d'avoir un impact positif sur le monde qui m'entoure. Après avoir étudié en psychologie puis en criminologie à l'université, je me suis intéressée à plusieurs approches en développement personnel et me suis aussi formée au privé pour devenir coach en relation d'aide. J'ai depuis fondé les Catalyseurs de Changement afin de créer un espace de rencontre entre nous. J'espère que mes articles vous inspireront à devenir la meilleure version de vous-même et à partager avec le monde ce que vous savez faire de mieux. 

Plus d'articles de M-A Tennina